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La décroissance et le paradoxe africain
par Serge Latouche, Professeur émérite d'économie à l'Université d'Orsay, objecteur de croissance.
 
Le projet d'une société autonome et économe porté par la décroissance n'est pas étranger à l'Afrique. Il s'est formé, en effet, dans le fil de la critique du développement. Pourtant, remettre en question la croissance pour l'Afrique paraît paradoxal.
Depuis plus de quarante ans, une petite "internationale" anti ou post développementiste analyse et dénonçe les méfaits du développement , de l'Algérie de Boumédiene à la Tanzanie de Nyerere. Et ce développement-là, n'était pas seulement capitaliste ou ultra-libérale, comme en Côte d'Ivoire, mais officiellement "socialiste", "participatif", "endogène", "self-reliant/autocentré", "populaire et solidaire". Il était aussi souvent mis en oeuvre ou appuyé par des ONG humanistes. En dépit de quelques micro-réalisations remarquables, la faillite en a été massive et l'entreprise de ce qui devait aboutir à l"'épanouissement de tout l'homme et de tous les hommes" a sombré dans la corruption, l'incohérence et les plans d'ajustement structurel qui ont transformé la pauvreté en misère.
Pour l'Afrique, le projet d'une société autonome ne passe pas par la décroissance de l'empreinte écologique ni celle du PIB. Celle-ci n'est ni nécessaire ni souhaitable. Mais on ne doit pas en conclure pour autant qu'il faille y construire une société de croissance. La décroissance concerne les sociétés du Sud dans la mesure où elles sont engagées dans la construction d'économies de croissance afin d'éviter de s'enfoncer plus avant dans l'impasse à laquelle cette aventure les condamne. Il s'agirait pour elles, s'il en est temps encore, de se "désenvelopper" c'est à dire d'enlever les obstacles sur leur chemin pour s'épanouir autrement. Il ne s'agit en aucune façon de faire l'éloge sans nuance de l'économie informelle. D'abord, il est clair que la décroissance au Nord est une condition de l'épanouissement de toute forme d'alternative au Sud. Tant que l'Éthiopie et la Somalie sont condamnées, au plus fort de la disette, à exporter des aliments pour nos animaux domestiques, tant que nous engraissons notre bétail de boucherie avec les tourteaux de soja faits sur les brûlis de la forêt amazonienne, nous asphyxions toute tentative de véritable autonomie pour le Sud .
Oser la décroissance au Sud, c'est tenter d'enclencher un mouvement en spirale pour se mettre sur l'orbite du cercle vertueux des 8 R Cette spirale introductive à la décroissance au Sud pourrait s'organiser avec d'autres "R", à la fois alternatifs et complémentaires, comme Rompre, Renouer, Retrouver, Réintroduire, Récupérer, etc. Rompre avec la dépendance économique et culturelle vis-à-vis du Nord. Renouer avec le fil d'une histoire interrompue par la colonisation, le développement et la mondialisation. Retrouver et se réapproprier une identité culturelle propre. Réintroduire les produits spécifiques oubliés ou abandonnés et les valeurs "antiéconomiques" liées à leur histoire. Récupérer les techniques et savoir-faire traditionnels.
En février 2007, une rencontre au Centre Emmaüs de Tohue près de Cotonou avec quelques intéllectuels béninois autour d'Albert Tévoedjré, à l'initiative de l'ONG italienne, "Chiama l'Africa", sur le thème "pauvreté et décroissance" permet de faire le point sur le paradoxe de l'africanité du projet de la décroissance.
Qui se souvient encore d'Albert Tévoedjré ? Pourtant il publia en 1978, à l'instigation d'Ivan Illich , un livre à succès précurseur des idées de la décroissance, "La pauvreté richesse des nations" . Il y critiquait l'absurdité du mimétisme culturel et industriel, faisait l'éloge de la sobriété inscrite dans la tradition africaine, dénonçait la démesure de la société de croissance avec sa création délibérée de besoins factices, sa déshumanisation engendrée par la domination des rapports d'argent et sa destruction de l'environnement. Il proposait, enfin, un retour à l'autoproduction villageoise.
A 85 ans, l'homme est en pleine forme et n'a rien renié de ses idées, mais celles-ci n'intéressent plus personne. Comme beaucoup d'intéllectuels africains, il s'est investi et peut-être perdu dans la politique sans pouvoir mettre en application ses idées dans les postes ministèriels qu'il a occuppés.
L'autoorganisation des exclus de la modernité de l'économie dans la débrouille que nous avons analysé dans "L'autre Afrique" et qui constitue un exemple de construction de société autonome et économe soutenable dans des conditions infiniment plus précaires que ne le seraient les sociétés de décroissance au Nord, ne doit rien ou presque aux élites intéllectuelles et politique du continent . Cette capacité non seulement de survivre mais de construire une vie complète largement en dehors de la société mondiale de marché repose sur un triple niveau de bricolage : au niveau imaginaire avec la prolifération des cultes syncrétiques et des sectes (y compris en pays musulman avec les confréries et leurs dissidences), au niveau techno-économique avec la récupération ingénieuse, industrieuse et entreprenante (par opposition à la rationalité économique occidentale : ingénieure, industrielle et entrepreneuriale), et surtout au niveau social avec l'invention d'un lien social néo-clanique (par les participations croisées à une foule d'associations).
Véritable société alternative en attente potentielle d'une reconnaissance par une émergence sur la scène politique et internationale, cette expérience subit tout de même les menaces répétées d'une mondialisation triomphante et arrogante (même en crise). Si nous avons pu témoigner de sa surpenante "réussite", la colonisation de l'imaginaire menace désormais l'autre Afrique, après avoir corrompu l'Afrique officielle. L'invasion des média internationaux à travers radios, télé, internet, téléphones portables a des effets corrosifs sur le lien social. Il suffit de penser au désir des jeunes de quitter ce qu'ils finissent par considérer comme un enfer pour les paradis artificiels du Nord contre les portes desquels ils vont se fracasser. L'arrivée massive des produits de consommation de masse chinois très bon marché fait parfois concurrence aux artisans de la récupération qui avaient triomphé des exportations manufacturées européennes. Les processus d'individuation, sans engendrer un véritable individualisme, réussissent à entamer la solidarité qui faisait tenir l'univers alternatif. Enfin, la pollution sans frontière rend de plus en plus invivable un environnement dégradé. Une véritable société de consommation de seconde main avec des vieilles bagnoles déglinguées, des téléphones portables qui ne fonctionnent pas, des ordinateurs de récupération, et tous les rebuts de l'Occident, ronge comme un cancer la capacité de résister dans la dissidence. Il est à souhaiter que la crise au Nord arrive à temps, pour laisser toute sa chance à l'autre Afrique. Il y a quelques années dans ce même Bénin, les vieux villageois me disaient : "Quand est-ce que vous allez revenir, vous, les français, car depuis votre départ, on souffre trop ? ". Aujourd'hui, ce sont les jeunes qui vous assaillent et vous interpellent : "aidez-nous à aller en France. Ici nous n'avons rien à espérer".
Le paradoxe africain rejoint ainsi tragiquement le paradoxe occidental. Ainsi que l'écrivait mon regretté ami, Jean Baudrillard, "La culture occidentale ne se maintient que du désir du reste du monde d'y accéder" .
Voir "The development dictionary" Zed Books, Londres 1992. Traduction française à paraître chez Parangon sous le titre "Dictionnaire des mots toxiques".
Sans compter que ces "déménagements" planétaires contribuent à déréguler un peu plus le climat, que ces cultures spéculatives de latifondiaires privent les pauvres du Brésil de haricots et qu'en prime on risque d'avoir des catastrophes biogénétiques du genre vaches folles...
Rappelons ces huit objectifs interdépendants susceptible d'enclencler un cercle vertueux de décroissance sereine, conviviale et soutenable : Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Redistribuer, Relocaliser, Réduire, Réutiliser, Recycler.
Paris, éditions ouvrières.
Voir mon livre "L'autre Afrique. Entre don et marché", Albin Michel, Paris 1998.
Chronique de Libération du 18 novembre 2005 (reprise le 7 mars 2007).

 

La décroissance et le paradoxe africain
 
Le projet d'une société autonome et économe porté par la décroissance n'est pas étranger à l'Afrique. Il s'est formé, en effet, dans le fil de la critique du développement. Pourtant, remettre en question la croissance pour l'Afrique paraît paradoxal.
La rencontre récente au Centre Emmaüs de Tohue près de Cotonou avec quelques intéllectuels béninois autour d'Albert Tévoedjré, à l'initiative de l'ONG italienne, "Chiama l'Africa", sur le thème "pauvreté et décroissance" permet de faire le point sur ce paradoxe aux multiples facettes.
Qui se souvient encore d'Albert Tévoedjré ? Pourtant il publia en 1978, à l'instigation d'Ivan Illich, un livre à succès précurseur des idées de la décroissance, "La pauvreté richesse des nations" . Il y critiquait l'absurdité du mimétisme culturel et industriel, faisait l'éloge de la sobriété inscrite dans la tradition africaine de l'autoproduction villageoise, dénonçait la démesure de la société de croissance avec sa création délibérée de besoins factices, sa déshumanisation engendrée par la domination des rapports d'argent et sa destruction de l'environnement. A 85 ans, l'homme est en pleine forme et n'a rien renié de ses idées, mais celles-ci n'intéressent plus personne, en Afrique. Comme beaucoup d'intéllectuels africains, il s'est investi et peut-être perdu dans la politique sans pouvoir mettre en application ses idées dans les postes ministèriels qu'il a occuppés.
L'autoorganisation des exclus de la modernité que nous avons analysé dans "L'autre Afrique" et qui constitue un exemple de construction de société autonome et économe dans des conditions infiniment plus précaires que ne le seraient les sociétés de décroissance au Nord, ne doit rien ou presque aux élites intéllectuelles et politique du continent . Véritable société alternative, cette expérience subit tout de même les menaces répétées d'une mondialisation triomphante et arrogante (même en crise). La colonisation de l'imaginaire menace désormais l'autre Afrique, après avoir corrompu l'Afrique officielle. L'invasion des média internationaux à travers radios, télé, internet, téléphones portables a des effets corrosifs sur le lien social. Il suffit de penser au désir des jeunes de quitter ce qu'ils finissent par considérer comme un enfer pour les paradis artificiels du Nord contre les portes desquels ils vont se fracasser. L'arrivée massive des produits de consommation de masse chinois très bon marché fait parfois concurrence aux artisans de la récupération qui avaient triomphé des exportations manufacturées européennes. Les processus d'individuation, sans engendrer un véritable individualisme, réussissent à entamer la solidarité qui faisait tenir l'univers alternatif. Enfin, la pollution sans frontière rend de plus en plus invivable un environnement dégradé. Une véritable société de consommation de seconde main avec des vieilles bagnoles déglinguées, des téléphones portables qui ne fonctionnent pas, des ordinateurs de récupération, et tous les rebuts de l'Occident, ronge comme un cancer la capacité de résister dans la dissidence. Il est à souhaiter que la crise au Nord arrive à temps, pour laisser toute sa chance à l'autre Afrique. Il y a quelques années dans ce même Bénin, une vieille villageoise me disait : "Quand est-ce que vous allez revenir, vous, les français, car depuis votre départ, on souffre trop ?". Aujourd'hui, ce sont les jeunes qui vous assaillent et vous interpellent : "aidez-nous à aller en France. Ici nous n'avons rien à espérer".
Le paradoxe africain rejoint ainsi tragiquement le paradoxe occidental. Ainsi que l'écrivait l'ami Baudrillard, "La culture occidentale ne se maintient que du désir du reste du monde d'y accéder" .
Paris, éditions ouvrières.
Voir mon livre "L'autre Afrique. Entre don et marché", Albin Michel, Paris 1998.
Chronique de Libération du 18 novembre 2005 (reprise le 7 mars 2007).
 
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